Ganesh Bahadur Rai a 49 ans et est marié.

Il est professeur d’anglais au lycée de Basa Kali (à Yagachwai). Il est aussi fermier, passionné par les problèmes d’éducation et les questions de culture.

La maison de Ganesh a été complètement fortement détruite et il a vécu jusqu’à présent dans un abri provisoire. Mais maintenant les enfants sont malades à cause du froid. Alors il a décidé de rentrer vivre dans ce qui reste de sa maison.

J’avais entendu parler du grand tremblement de terre de 1934. Depuis il y a eu d’autres tremblements plus ou moins forts comme en 1990 ou en 2011 (6.6 sur l’échelle de Richter). J’avais donc une certaine expérience des tremblements de terre. Cependant lorsque j’ai construit ma maison, j’ai tout oublié et j’ai ignoré  » l’antisismique « .

Lors du premier tremblement, le 26 avril à midi moins dix, j’étais dans ma maison et regardais la télévision. Tout s’est mis à bouger. Je suis sorti. Les murs du premier étage de ma maison sont tombés. Heureusement que ceci s’est produit à midi, car le soir ou la nuit, il y aurait eu des morts.

J’ai tout de suite pensé à ma famille dans les champs. J’ai craint un glissement de terrain, des chutes de pierres. J’ai pleuré. J’ai pensé à mon père qui était à l’hôpital de Kathmandu. Sa maison était cassée. J’ai eu peur d’une fissure dans le sol, j’ai eu peur de mourir.

Durant ce tremblement qui a duré 52 secondes, j’ai ressenti trois mouvements : un vertical, un horizontal et un troisième, circulaire, comme un cyclone. Les répliques ont continué pendant deux heures.

Ensuite j’ai cherché ma famille, puis un endroit plat. Tout le monde (les voisins) s’est rassemblé à coté de chez moi. Ils se disaient que si c’était pour mourir, il valait mieux être ensemble.

A la fin de la journée je suis rentré dans ma maison (le premier niveau) pour chercher de la nourriture et de quoi dormir. Nous avons partagé tout cela avec les autres familles proches.

Les premières paroles échangées ont été pour nous demander si nous avions eu peur, puis pour trouver un endroit protégé en cas d’un plus grand tremblement.

Pour expliquer ce phénomène une partie des personnes (environ 10 %) pensait que Shiva était en colère contre les politiques qui ne faisaient pas leur travail. Mais Ganesh savait comme d’autres (15 %) qu’il y avait une explication scientifique : les plaques tectoniques qui bougeaient. Le reste de la population ne pensait rien si ce n’est à sauver leur vie.

Le soir venu, il a fallu trouver comment dormir. Nous avons trouvé deux bâches utilisées d’habitude pour les animaux, des plastiques et nous nous sommes abrités dessous. Nous avons mangé des biscuits, des nouilles et bu du thé. Vers 11 heures il y a eu une rumeur : nous allions tous mourir à minuit. Nous avons eu très peur jusqu’à minuit. Puis après il y a eu encore de petits tremblements pendant une heure et demi. Nous avons parlé toute la nuit sans dormir.

Quand je repense à ce moment, je me dis que s’il y avait eu un autre tremblement, il n’aurait pas été possible de survivre, mais que c’était Shiva qui décidait. L’image qui reste dans ma tête est ce mouvement cyclonique que j’ ai senti en même temps que le bruit des glissements de terrain sur la rive opposée de la Dudhkosi.

Depuis ces tremblements, j’ai vécu sans toit. Je dois trouver un endroit sûr contre le glissement de terrain, les pierres qui peuvent tomber : et il faut un sol solide. Ma maison devra être antisismique pour protéger mes enfants. Les nouvelles maisons doivent pouvoir résister aux tremblements. Mais je veux conserver la maison de mes grands parents, car c’est un symbole. J’attends quelque chose de scientifique et de fiable de la part du gouvernement, des ONG, pour reconstruire, car le Népal est sur une plaque tectonique qui bouge. Je n’attends pas les 200 000 NR promis par le gouvernement, car la zone de Rapcha n’est pas prioritaire.

Je pense qu’il n’y aura pas de nouveaux grands tremblements de terre avant 80 ans, car c’est la périodicité de ces phénomènes observée au Népal depuis le onzième siècle.

Interview de Ganesh Bahadur Rai

Marc Béchet – novembre 2015