Dan Kumari Rai a 30 ans. Elle est mère de trois enfants.

Elle est professeur de népalais, d’enseignement ménager. Elle fait également la classe aux femmes illettrées. Elle est trésorière du Comité de développement de Rapcha. Et elle est aussi fermière.

Sa maison a été totalement détruite (inhabitable) le 26 avril. Naïna, son mari, avait entrepris de construire une autre maison derrière l’ancienne maison.

Le 9 mai, lors du second tremblement, la nouvelle maison en cours de construction a également été détruite. Désormais Dan vit avec ses trois enfants de 3, 5 et 9 ans dans un abri provisoire qui doit loger 8 personnes.

Je connaissais les tremblements de terre avant le 25 avril. Mes grands parents m’en avaient parlé, mais cela ne me paraissait pas important. Pourtant j’avais bien ressenti le tremblement de 2011.

Le 25 avril j’étais devant  ma maison et deux de mes enfants à l’intérieur. Je n’ai pas imaginé que c’était un tremblement de terre. Je suis rentrée pour faire sortir mes enfants. J’ai alors  réalisé que c’était un tremblement. Naïna, mon mari, était sur le toit, en train de construire la nouvelle maison. Il a sauté du toit par terre.

Pendant trois jours j’ai eu peur. J’ai perdu conscience de ce que je faisais ; j’ai perdu la mémoire de ces moments. Je ne pouvais pas travailler. La nuit nous nous sommes retrouvés à 45 personnes dans la serre à coté de la maison. Dans la journée, dès que le sol bougeait, je sursautais. Nous n’avons pas dormi de toute la nuit, nous parlions, nous pleurions.

La première chose que j’ai faite a été de sortir mes enfants de la maison. Ils pleuraient, criaient.

Selon Dan, tout le monde (beaucoup) pensait que le tremblement avait pour cause les mauvais comportement des népalais. Les dieux étaient en colère à cause des politiques, de la guerre civile, du manque de respect des uns pour les autres.
Mais Dan (et d’autres) « savaient » que c’était la terre qui tournait autour du soleil, ce qui provoque un glissement de la terre.
D’autres enfin ne pensaient pas grand chose. Il ne fallait pas pleurer, c’était naturel, ça arrivait en montagne ; il fallait rester là où on était protégé.

Après les tremblements nous sommes restés 45 jours dehors. Avec un groupe de 5 ou 6 personnes nous avons construit ensemble des abris temporaires. La première aide de l’état est arrivée après 45 jours ; nous avons reçu 7 000 NR. (environ 70 euros)

Quand je repense à ce moment, l’idée qui me vient est de ne pas rentrer dans ma maison, car s’il y a un nouveau tremblement, je vais mourir.

Pour l’avenir, il faut construire en antisismique, mais je ne sais pas comment faire. Je n’ai pas espoir de toucher les 200 000 NR promis par le gouvernement, car Rapcha n’est pas prioritaire. Mais il faut pourtant construire une maison antisismique. Mais je n’ai plus de ressources financières après la destruction des deux maisons. Or nous sommes  huit dans la famille. Je veux bien une maison de deux pièces (les maisons en sac de sable de 20 m²) mais j’ai du mal à l’accepter. En fait j’espère quand même que le gouvernement nous aidera à construire en antisismique et nous donnera les moyens financiers pour cela.

Pour finir je voudrais savoir si la technologie permettra de prévoir les tremblements de terre et si j’obtiendrai des moyens financiers pour reconstruire ma maison.

Interview de Dan Kumari Rai

Marc Béchet – novembre 2015