Yam Bahadur Magar a 57 ans. Marié, père de trois enfants établis comme fermier à Tholodunga.

Il est reconnu par toute la communauté comme un maître charpentier et maître d’œuvre hors pair puisqu’il dirige des chantiers dans tout le Népal. Il a appris par lui-même son métier et est souvent absent du village bien que lui-même soit fermier comme tout le monde.

Sa maison a été reconnue comme inhabitable (un certain nombre de fissures), mais Tara lui a montré comment la réparer.

Mon père avait vécu le tremblement de 1934. Il m’en avait parlé ; il m’avait expliqué comment protéger les vies humaines. Mais moi j’avais également subi les tremblements de 1990 et de 2011. je savais ce que c’était.

Le 25 avril vers midi j’étais dans les champs et il faisait un peu froid. Le 12 mai j’étais dans la  » montagne « , pour récolter du miel sauvage. Je montais la pente, du coté de Koledo, avec un ami lorsque le tremblement a eu lieu. D’une main je l’ai saisi et de l’autre je me suis accroché à un arbre. J’ai eu très peur. C’était inimaginable. Les montagnes bougeaient. J’ai pensé que c’était la fin de ma vie. J’ai vu plusieurs glissements de terrains à Koledo.

Après les gens se sont rassemblés et ont cherché des endroits protégés. Ils ont cherché de la nourriture et des objets pour parer à de nouveaux tremblements. Ils sont allés dans les maisons détruites pour sauver les personnes et des affaires. Les enfants tremblaient, pleuraient, avaient peur. Tout le monde pensait qu’il allait mourir. La situation était pénible. Si le tremblement avait eu lieu la nuit il y aurait eu des morts, comme par exemple dans ma maison où des matériaux se sont effondrés sur notre lit. Pendant 2 ou 3 jours j’ai cherché à sauver les gens et les choses les plus importantes, car j’ai des responsabilités politiques dans le village.

Le problème a été rapidement de savoir comment dormir. Nous avons préparé un abri temporaire avec des palissades en bambou tressé, des tapis, des plastiques pour la nuit. Au début nous nous sommes réunis tous ensemble : Rai, Magar, BK (Dalit). Nous voulions être réunis pour mourir ensemble ou pour nous aider. Pendant 25 jours nous ont vécu à 80 dans l’abri temporaire à cause des répliques qui ne s’arrêtaient pas.

Au tremblement de terre du 25 avril les premières paroles que nous avons échangées ont été de se dire de sortir des maisons. Le 12 mai avec mon ami à Koledo, nous nous sommes tout de suite dit qu’il fallait aller aux nouvelles dans les maisons.

On ne peut pas savoir la cause de ces tremblements de terre. C’est Dieu qui décide. Car il y a des choses qui fonctionnent mal : des gens malhonnêtes, pas de discipline. C’est une punition envoyée par Dieu.

Le second tremblement avait provoqué de nombreux glissements de terrains (Koledo). Des informations venues de Namche nous ont fait croire que la rivière, la Dudhkosi était bloquée (par des glissements de terrains) et que cela allait entrainer une inondation des parties basses de Rapcha. Donc il fallait faire remonter les personnes vivant dans le bas de Rapcha, dans les hameaux de Bodu et de Lop. Un peu plus tard la police est venue pour savoir s’il y avait des victimes. Elle a visité chaque maison pour faire un état des destructions.

Lorsque je repense à ces moments, je me dis que si ces tremblements étaient arrivés la nuit avec les habitants dans les maisons, il n’y aurait pas eu de possibilités de survie. Avec les terres fragiles, les maisons fragilisées par le premier tremblement, c’en était fini de la vie à Rapcha. Et alors je demande à Dieu de protéger les Népalais, d’arrêter les tremblements de terre.
Après les tremblements, l’opinion des gens a changé. Ils savent maintenant qu’il faut construire en antisismique, avec des maisons pas trop grandes, qu’il faut protéger les enfants avec des écoles construites en antisismique.

J’ai éprouvé de la déception devant les aides de l’état. La police, les administrations ont mal travaillé. Il y a eu du favoritisme pour des proches, y compris de la part d’ONG. Il n’y a pas eu de transparence. Pendant deux mois je suis allé vivre à Namche. J’ai constaté qu’il n’y avait pas de stratégie pour aider les victimes et que les aides allaient à ceux qui n’en avaient pas le plus besoin.

Pour l’avenir, pour les aides, il faut réfléchir à une classification qui distingue les gens qui ont le plus besoin d’aide et ceux qui peuvent reconstruire par eux-mêmes.