Naïna Bahadur Rai a 31 ans.

Il est fermier et instruit puisqu’il a son SLC (équivalent du bac). Il est également porteur dans des treks, ce qui rapporte un peu d’argent à la maison.

La situation de Naïna, après le tremblement de terre, est celle décrite pour Dan Kumari Rai puisqu’il est son mari.

J’avais connu des tremblements de terre autrefois, d’abord en 1990 quand j’avais 8 ou 9 ans : je soufflais sur le feu pour l’attiser, et j’ai ressenti à ce moment un mouvement autour de moi ; alors je suis sorti de la maison . Et il y a eu aussi le tremblement de 2011.

Le 25 avril j’étais sur le toit de la maison que nous construisions avec 18 personnes, lorsque le tremblement s’est produit. J’ai immédiatement sauté du toit. Je voyais les arbres bouger, tout bougeait. Les 18 compagnons sont partis en courant ; ils sont partis vers leurs maisons et leurs familles. Autour de chez moi il n’y avait pas de grosses destructions. Les gens criaient. Il y avait des glissements de terrain, en face, sur l’autre rive de Dudhkosi. A la suite de cette catastrophe, Padam, mon père, est tombé malade et il est mort deux mois plus tard. Je me souviens qu’au moment du tremblement, il faisait un peu froid.

Lors du second tremblement je plantais des maïs et retournais le sol avec les deux buffalos. Tout s’est mis en mouvement, tout bougeait, sur la rive en face aussi. Il y avait des grands bruits. Ma maison s’est cassée. C’était inimaginable, incroyable. J’avais peur. Je savais qu’il ne fallait pas rentrer dans la maison.  Après cela, il y a eu 45 personnes qui se sont rassemblées à coté de chez moi, dans la serre.

Ces personnes sont restées dans la serre pendant 15 jours. Elles voulaient  mourir ensemble s’il y avait un autre tremblement de terre. Mais il était difficile de vivre plus longtemps à 45 personnes ensemble. Alors nous avons construit des abris provisoires pour les familles. Pour survivre il fallait rentrer dans les maisons pour prendre de la nourriture et des affaires, mais nous avions peur. Puis nous partagions ce que nous avions trouvé.

Dans la journée du premier tremblement, j’ai cherché un endroit pour me protéger. J’ai aussi cherché de la nourriture. Après le second tremblement nous avons visité les maisons pour savoir s’il y avait des victimes.
Après le premier tremblement les 18 personnes ont dit que s’il y avait un autre tremblement, il ne serait plus possible de vivre ici. Après le second tremblement, avec un voisin, nous nous sommes dit : «  on va mourir ».

Les personnes âgées pensaient que les dieux étaient mécontents à cause de la malhonnêteté des népalais, à cause du trop grand nombre de personnes sur terre, à cause des agissements des politiques. Mais pour les personnes instruites, il y a l’eau et la terre. Pour elles les plaques tectoniques tibétaines vont vers le Népal et cela produit des tremblements de terre. Cela peut prendre deux ou trois ans pour que la plaque tectonique du Tibet se stabilise et que les tremblements de terre cessent.

Dans les discussions qui ont suivi, nous avons compris que le plus important était de protéger la famille, la nourriture, les animaux. Puis la radio a donné des nouvelles : tous les morts de Kathmandu, toutes les destructions de bâtiment. Cela a augmenté les peurs. Cela développait un sentiment de catastrophisme.

L’image qui me vient en tête quand je repense à ces moments est que  si la même chose se reproduit, il y aura une grande fissure dans la terre et on sera tous engloutis. Mais c’est dieu qui décide.

Oui, il a eu  des changements après ces tremblements : on sait maintenant qu’il ne faut pas construire n’importe où, n’importe comment, et pas plus de deux niveaux. La meilleure solution pour faire de l’antisismique est de construire comme à Katmandou (où il y a 5 à 10 étages) avec du ciment et de la ferraille. Mais c’est cher, il faut des moyens financiers. Peut être en empruntant aux banques.

Pour moi, le Népal est un pays à tremblement de terre qui nécessite de construire en antisismique. On peut penser aux maisons construites avec des sacs de sable ; mais peut être que c’est plus cher.

Interview de Naïna Bahadur Rai
Marc Béchet – novembre 2015